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Murasaki Shikibu, Le Dit du Genji

Traduction René Sieffert.

Genji Monogatari, Magnificence

I — Le clos au Paulownia

En quel règne je ne sais, parmi les épouses impériales et dames d’atour qui nombreuses servaient Sa Majesté, il en était une qu’entre toutes, et encore qu’elle ne fût de très insigne parage, sa faveur avait pour l’heure distinguée. Celles qui par le principe avaient pu se flatter de l’emporter, décriaient et jalousaient celle-là qui avait ruiné leurs espoirs. Quant aux dames d’atour d’égal ou de moindre lignage, à plus forte raison en étaient-elles indisposées. Qu’elle fût matin et soir appelée au service du Palais ne faisait qu’irriter ses rivales, si bien qu’à force sans doute d’attirer sur elle les ranœurs, sa santé s’altéra et, dans son désarroi, elle en vint à séjourner de plus en plus souvent dans sa famille, ce dont l’Empereur fut malcontent et ému de pitié ; lors donc, sans daigner se soucier des médisances, il lui prodigua des égards qui pouvaient créer un précédent fâcheux.

Dignitaires et gens de Cour, outrés, disaient avec des regards en biais que c’était là une passion qui offusquait les yeux, que déjà en Morokoshi, en de semblables circonstances, des troubles s’étaient produits, aux funestes conséquences ; or tandis que dans tous l’Empire, l’on en venait à s’en tourmenter si malement que l’on pouvait évoquer en effet l’exemple de Yō Kihi, et encore que les avanies ne lui fussent ménagées, elle cependant se mêlait à la vie du Palais, confiante en la prévenance sans pareille que lui témoignait Sa Majesté.