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Psychologie et économie

La Recherche, n° 365, juin 2003, p. 67.

Daniel Kahneman : « la psychologie peut éclairer l’économie ».

L’économie comportementale gagne ses lettres de noblesse : en 2002, le prix Nobel est venu couronner l’un de ses inspirateurs, le psychologue Daniel Kahneman. Ce courant ose ébranler l’un des piliers de la théorie dominante, en démontrant que les choix de l’Homo œconomicus ne sont pas si rationnels qu’elle le prétend.


… Chez nous, comme dans beaucoup de foyers juifs, je crois, on ne s’intéressait pas du tout à la nature ; je n’ai jamais appris à reconnaître les plantes ni à aimer les animaux. La seule chose qui comptait vraiment, c’était les mots et les rapports humains. La façon dont ma mère parlait des gens me fascinait car ils m’apparaissaient toujours d’une infinie complexité…

… Je ne me suis pas intéressé à l’économie. C’est plutôt l’inverse : quelques économistes se sont intéressés à nos travaux — ceux que je menais avec mon collègue Amos Tversky — sur la prise de décision en condition d’incertitude … J’ai beaucoup réfléchi à l’époque sur les intuitions : comment décider lesquelles sont suffisamment valables pour être explorées et lesquelles sont des illusions dont je devais apprendre à mes étudiants à se méfier ? …

… Richard Thaler avait observé que les gens attachent un prix très différent au même objet selon qu’ils le possèdent ou non. En général, ils réclament beaucoup plus d’argent pour le vendre qu’ils ne seraient prêts à en donner pour l’acquérir. … ce que les gens apprécient et évaluent, ce ne sont pas des situations mais des changements de situation, et ils accordent une importance bien plus grande aux pertes qu’aux gains, même s’il s’agit du même objet (l’asymétrie peut aller du simple au double.

… les gens sont souvent la proie d’illusions cognitives qui les empêchent d’analyser logiquement une situation. Ainsi, ils préfèrent un pari risqué à une certitude lorsqu’ils sont sûrs de perdre mais rarement lorsqu’ils sont sûrs de gagner (et ce, même si la certitude du gain est suffisamment élevée pour compenser le risque encouru). Notre aversion pour le risque est donc plus forte quand il s’agit de gain que lorsqu’il s’agit de perte. Nous avons également tendance à considérer que la différence de gain (ou de perte) entre 50 et 100 euros est plus importante qu’entre 1050 et 1100 euros. … contrairement à ce que dit la théorie dominante : nous pensons généralement qu’il y a une différence plus importante entre 0% et 10% de chance d’obtenir un résultat qu’entre 30% et 40% d’obtenir le même résultat. …

… pour définir l’espérance d’utilité, il faut donc ajouter une valeur de référence. Celle-ci peut conduire à analyser différemment (donc subjectivement) des résultats identiques en fonction d’un changement de situation.

… Cela explique que toute négociation soit en général difficile : les concessions que je fais aux autres sont souvent considérées comme des pertes pour moi (et des gains pour eux) …



Cre : 24 fev 2011 - Maj : 24 juil 2011

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