Le web de Dominique Guebey – Les belles lettres

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D.A.F. de Sade (1740-1814) La Philosophie dans le Boudoir (suite - Troisieme dialogue)

S-A, se pâmant : Je me meurs, sacredieu!… Dolmancé, que j’aime à toucher ton beau vit, pendant que je décharge !… Je voudrais qu’il m’inondât de foutre !… Branlez!… sucez-moi, foutredieu!… Ah ! Que j’aime à faire la putain, quand mon sperme éjacule ainsi ! C’est fini, je n’en puis plus… Vous m’avez accablée tous les deux… Je crois que de mes jours je n’eus tant de plaisir.

Eu : Que je suis aise d’en être la cause ! Mais un mot, chère amie, un mot vient de t’échapper encore, et je ne l’entends pas. Qu’entends-tu par cette expression de putain? Pardon, mais tu sais ? Je suis ici pour m’instruire.

S-A : On appelle de cette manière, ma toute belle, ces victimes publiques de la débauche des hommes, toujours prêtes à se livrer à leur tempérament ou à leur intérêt ; heureuses et respectables créatures, que l’opinion flétrit, mais que la volupté couronne, et qui, bien plus nécessaires à la société que les prudes, ont le courage de sacrifier, pour la servir, la considération que cette société ose leur enlever injustement. Vivent celles que ce titre honore à leurs yeux ! Voilà les femmes vraiment aimables, les seules véritablement philosophes ! Quant à moi, ma chère, qui depuis douze ans travaille à le mériter, je t’assure que loin de m’en formaliser, je m’en amuse. Il y a mieux : j’aime qu’on me nomme ainsi quand on me fout ; cette injure m’échauffe la tête.

Eu : Oh ! Je le conçois, ma bonne ; je ne serais pas fâchée non plus que l’on me l’adressât, encore bien moins d’en mériter le titre ; mais la vertu ne s’oppose-t-elle pas à une telle inconduite, et ne l’offensons-nous pas en nous comportant comme nous le faisons ?

D : Ah ! Renoncez aux vertus, Eugénie ! Est-il un seul des sacrifices qu’on puisse faire à ces fausses divinités, qui vaille une minute des plaisirs que l’on goûte en les outrageant ? Va, la vertu n’est qu’une chimère, dont le culte ne consiste qu’en des immolations perpétuelles, qu’en des révoltes sans nombre contre les inspirations du tempérament. De tels mouvements peuvent-ils être naturels ? La nature conseille-t-elle ce qui l’outrage ? Ne sois pas la dupe, Eugénie, de ces femmes que tu entends nommer vertueuses. Ce ne sont pas, si tu veux, les mêmes passions que nous qu’elles servent, mais elles en ont d’autres, et souvent bien plus méprisables… C’est l’ambition, c’est l’orgueil, ce sont des intérêts particuliers, souvent encore la froideur seule d’un tempérament qui ne leur conseille rien. Devons-nous quelque chose à de pareils êtres, je le demande ? N’ont-elles pas suivi les uniques impressions de l’amour de soi ? Est-il donc meilleur, plus sage, plus à propos de sacrifier à l’égoisme qu’aux passions ? Pour moi, je crois que l’un vaut bien l’autre ; et qui n’écoute que cette dernière voix a bien plus de raison sans doute, puisqu’elle est seule organe de la nature, tandis que l’autre n’est que celle de la sottise et du préjugé. Une seule goutte de foutre éjaculée de ce membre, Eugénie, m’est plus précieuse que les actes les plus sublimes d’une vertu que je méprise.