Le web de Dominique Guebey – Les belles lettres

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   D o m i n i q u e   G u e b e y    J u n g l e      Les belles lettres

D.A.F. de Sade (1740-1814) La Philosophie dans le Boudoir (suite - Troisieme dialogue)

D : Erreur ! Cette jouissance est telle qu’il est impossible que rien lui nuise et que l’objet qui la sert ne soit transporté au troisième ciel en la goûtant. Aucune ne vaut celle-là, aucune ne peut aussi complètement satisfaire l’un et l’autre des individus qui s’y livrent, et il est difficile que ceux qui l’ont goûtée puissent revenir à autre chose. Telles sont, Eugénie, les meilleures façons de goûter le plaisir avec un homme, sans courir les risques de la grossesse ; car on jouit, soyez-en bien sûre, non seulement à prêter le cul à un homme, ainsi que je viens de vous l’expliquer, mais aussi à le sucer, à le branler, etc., et j’ai connu des femmes libertines qui mettaient souvent plus de charmes à ces épisodes qu’aux jouissances réelles. L’imagination est l’aiguillon des plaisirs ; dans ceux de cette espèce, elle règle tout, elle est le mobile de tout ; or, n’est-ce pas par elle que l’on jouit ? N’est-ce pas d’elle que viennent les voluptés les plus piquantes ?

S-A : Soit ; mais qu’Eugénie y prenne garde ; l’imagination ne nous sert que quand notre esprit est absolument dégagé de préjugés : un seul suffit à la refroidir. Cette capricieuse portion de notre esprit est d’un libertinage que rien ne peut contenir ; son plus grand triomphe, ses délices les plus éminentes consistent à briser tous les freins qu’on lui oppose ; elle est ennemie de la règle, idolâtre du désordre et de tout ce qui porte les couleurs du crime ; voilà d’où vient la singulière réponse d’une femme à imagination, qui foutait froidement avec son mari ;

- Pourquoi tant de glace ? Lui disait celui-ci.

- Eh ! Vraiment, lui répondit cette singulière créature, c’est que ce que vous me faites est tout simple.

Eu : J’aime à la folie cette réponse… Ah ! Ma bonne, quelles dispositions je me sens à connaître ces élans divins d’une imagination déréglée ! Tu n’imaginerais pas, depuis que nous sommes ensemble… seulement depuis cet instant, non, non, ma chère bonne, tu ne concevrais pas toutes les idées voluptueuses que mon esprit a caressées… Oh ! Comme le mal est maintenant compris par moi!… combien il est désiré de mon cœur!

S-A : Que les atrocités, les horreurs, que les crimes les plus odieux ne t’étonnent pas davantage, Eugénie ; ce qu’il y a de plus sale, de plus infâme et de plus défendu est ce qui irrite le mieux la tête… c’est toujours ce qui nous fait le plus délicieusement décharger.

Eu : A combien d’écarts incroyables vous avez dû vous livrer l’un et l’autre ! Que j’en voudrais connaître les détails !

D, baisant et maniant la jeune personne : Belle Eugénie, j’aimerais cent fois mieux vous voir éprouver tout ce que je voudrais faire, que de vous raconter ce que j’ai fait.

Eu : Je ne sais s’il ferait trop bon pour moi de me prêter à tout.

S-A : Je ne te le conseillerais pas, Eugénie.