Le web de Dominique Guebey – Les belles lettres

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   D o m i n i q u e   G u e b e y    J u n g l e      Les belles lettres

D.A.F. de Sade (1740-1814) Français, encore un effort… (suite)

  Jetons les yeux, pour nous convaincre de cette vérité, sur le peu d’individus qui restent attachés au culte insensé de nos pères ; nous verrons si ce ne sont pas tous des ennemis irréconciliables du système actuel, nous verrons si ce n’est pas dans leur nombre qu’est entièrement comprise cette caste, si justement méprisée, de royalistes et d’aristocrates. Que l’esclave d’un brigand couronné fléchisse, s’il le veut, aux pieds d’une idole de pâte, un tel objet est fait pour son âme de boue ; qui peut servir des rois doit adorer des dieux ! Mais nous, Français, mais nous, mes compatriotes, nous, ramper encore humblement sous des freins aussi méprisables ? Plutôt mourir mille fois que de nous y asservir de nouveau ! Puisque nous croyons un culte nécessaire, imitons celui des Romains : les actions, les passions, les héros, voilà quels en étaient les respectables objets. De telles idoles élevaient l’âme, elles l’électrisaient ; elles faisaient plus : elles lui communiquaient les vertus de l’être respecté. L’adorateur de Minerve voulait être prudent. Le courage était dans le cœur de celui qu’on voyait aux pieds de Mars. Pas un seul dieu de ces grands hommes n’était privé d’énergie ; tous faisaient passer le feu dont ils étaient eux-mêmes embrasés dans l’âme de celui qui les vénérait ; et, comme on avait l’espoir d’être adoré soi-même un jour, on aspirait à, devenir au moins aussi grand que celui qu’on prenait pour modèle. Mais que trouvons-nous au contraire dans les vains dieux du christianisme ? Que vous offre, je le demande, cette imbécile religion ? Le plat imposteur de Nazareth vous fait-il naître quelques grandes idées ? Sa sale et dégoûtante mère, l’impudique Marie, vous inspire t-elle quelques vertus ? Et trouvez-vous dans les saints dont est garni son Elysée quelque modèle de grandeur, ou d’héroîsme, ou de vertus ? Il est si vrai que cette stupide religion ne prête rien aux grandes idées, qu’aucun artiste ne peut en employer les attributs dans les monuments qu’il élève ; à Rome même, la plupart des embellissements ou des ornements du palais des papes ont leurs modèles dans le paganisme, et tant que le monde subsistera, lui seul échauffera la verve des grands hommes.