D.A.F. de Sade (1740-1814) Français, encore un effort… (suite)
Mais, objectera-t-on, il est un âge où les procédés de l’homme nuiront décidément à la santé de la fille. Cette considération est sans aucune valeur ; dès que vous m’accordez le droit de propriété sur la jouissance, ce droit est indépendant des effets produits par la jouissance ; de ce moment il devient égal que cette jouissance soit avantageuse ou nuisible à l’objet qui doit s’y soumettre. N’ai-je pas déjà prouvé qu’il était légal de contraindre la volonté d’une femme sur cet objet, et qu’aussitôt qu’elle inspirait le désir de la jouissance, elle devait se soumettre à cette jouissance, abstraction faite de tout sentiment égoîste ? Il en est de même de sa santé. Dès que les égards qu’on aurait pour cette considération détruiraient ou affaibliraient la jouissance de celui qui la désire, et qui a le droit de se l’approprier, cette considération d’âge devient nulle, parce qu’il ne s’agit nullement ici de ce que peut éprouver l’objet condamné par la nature et par la loi à l’assouvissement momentané des désirs de l’autre ; il n’est question, dans cet examen, que de ce qui convient à celui qui désire. Nous rétablirons la balance.
Oui, nous la rétablirons, nous le devons sans doute ; ces femmes que nous venons d’asservir si cruellement, nous devons incontestablement les dédommager, et c’est ce qui va former la réponse à la seconde question que je me suis proposée.
Si nous admettons, comme nous venons de le faire, que toutes les femmes doivent être soumises à nos désirs, assurément nous pouvons leur permettre de même de satisfaire amplement tous les leurs ; nos lois doivent favoriser sur cet objet leur tempérament de feu, et il est absurde d’avoir placé et leur honneur et leur vertu dans la force antinaturelle qu’elles mettent à résister aux penchants qu’elles ont reçus avec bien plus de profusion que nous ; cette injustice de nos mœurs est d’autant plus criante que nous consentons à la fois à les rendre faibles à force de séduction et à les punir ensuite de ce qu’elles cèdent à tous les efforts que nous avons faits pour les provoquer à la chute. Toute l’absurdité de nos mœurs est gravée, ce me semble, dans cette inéquitable atrocité, et ce seul exposé devrait nous faire sentir l’extrême besoin que nous avons de les changer pour de plus pures. Je dis donc que les femmes, ayant reçu des penchants bien plus violents que nous aux plaisirs de la luxure, pourront s’y livrer tant qu’elles le voudront, absolument dégagées de tous les liens de l’hymen, de tous les faux préjugés de la pudeur, absolument rendues à l’état de nature ; je veux que les lois leur permettent de se livrer à autant d’hommes que bon leur semblera ; je veux que la jouissance de tous les sexes et de toutes les parties de leur corps leur soit permise comme aux hommes ; et, sous la clause spéciale de se livrer de même à tous ceux qui le désireront, il faut qu’elles aient la liberté de jouir également de tous ceux qu’elles croiront dignes de les satisfaire.