D.A.F. de Sade (1740-1814) Français, encore un effort… (suite)
Quels sont, je le demande, les dangers de cette licence ? Des enfants qui n’auront point de pères ? Eh ! Qu’importe dans une république où tous les individus ne doivent avoir d’autre mère que la patrie, où tous ceux qui naissent sont tous enfants de la patrie ? Ah ! Combien l’aimeront mieux ceux qui, n’ayant jamais connu qu’elle, sauront dès en naissant que ce n’est que d’elle qu’ils doivent tout attendre ! N’imaginez pas de faire de bons républicains tant que vous isolerez dans leurs familles les enfants qui ne doivent appartenir qu’à la république. En donnant là seulement à quelques individus la dose d’affection qu’ils doivent répartir sur tous leurs frères, ils adoptent inévitablement les préjugés souvent dangereux de ces individus ; leurs opinions, leurs idées s’isolent, se particularisent et toutes les vertus d’un homme d’Etat leur deviennent absolument impossibles. Abandonnant enfin leur cœur tout entier à ceux qui les ont fait naître, ils ne trouvent plus dans ce cœur aucune affection pour celle qui doit les faire vivre, les faire connaître et les illustrer, comme si ces seconds bienfaits n’étaient pas plus importants que les premiers ! S’il y a le plus grand inconvénient à laisser des enfants sucer ainsi dans leurs familles des intérêts souvent bien différents de ceux de la patrie, il y a donc le plus grand avantage à les en séparer ; ne le sont-ils pas naturellement par les moyens que je propose, puisqu’en détruisant absolument tous les liens de l’hymen, il ne naît plus d’autres fruits des plaisirs de la femme que des enfants auxquels la connaissance de leur père est absolument interdite, et avec cela les moyens de ne plus appartenir qu’à une même famille, au lieu d’être, ainsi qu’ils le doivent, uniquement les enfants de la patrie ?
Il y aura donc des maisons destinées au libertinage des femmes et, comme celles des hommes, sous la protection du gouvernement ; là, leur seront fournis tous les individus de l’un et l’autre sexe qu’elles pourront désirer, et plus elles fréquenteront ces maisons, plus elles seront estimées. Il n’y a rien de si barbare et de si ridicule que d’avoir attaché l’honneur et la vertu des femmes à la résistance qu’elles mettent à des désirs qu’elles ont reçus de la nature et qu’échauffent sans cesse ceux qui ont la barbarie de les blâmer. Dès l’âge le plus tendre , une fille dégagée des liens paternels, n’ayant plus rien à conserver pour l’hymen (absolument aboli par les sages lois que je désire), au-dessus du préjugé enchaînant autrefois son sexe, pourra donc se livrer à tout ce que lui dictera son tempérament dans les maisons établies à ce sujet ; elle y sera reçue avec respect, satisfaite avec profusion et, de retour dans la société, elle y pourra parler aussi publiquement des plaisirs qu’elle aura goûtés qu’elle le fait aujourd’hui d’un bal ou d’une promenade. Sexe charmant, vous serez libre ; vous jouirez comme les hommes de *tous les plaisirs dont la nature vous fait un devoir ; vous ne vous contraindrez sur aucun.