D.A.F. de Sade (1740-1814) Français, encore un effort… (suite)
Celui de la sodomie est le résultat de l’organisation, et nous ne contribuons pour rien à cette organisation. Des enfants de l’âge le plus tendre annoncent ce goût, et ne s’en corrigent jamais. Quelquefois il est le fruit de la satiété ; mais, dans ce cas même, en appartient-il moins à la nature ? Sous tous les rapports, il est son ouvrage, et, dans tous les cas, ce qu’elle inspire doit être respecté par les hommes. Si, par un recensement exact, on venait à prouver que ce goût affecte infiniment plus que l’autre, que les plaisirs qui en résultent sont beaucoup plus vifs, et qu’en raison de cela ses sectateurs sont mille fois plus nombreux que ses ennemis, ne serait-il pas possible de conclure alors que, loin d’outrager la nature, ce vice servirait ses vues, et qu’elle tient bien moins à la progéniture que nous n’avons la folie de le croire ? Or, en parcourant l’univers, que de peuples ne voyons-nous pas mépriser les femmes ! Il en est qui ne s’en servent absolument que pour avoir l’enfant nécessaire à les remplacer. L’habitude que les hommes ont de vivre ensemble dans les républiques y rendra toujours ce vice plus fréquent, mais il n’est certainement pas dangereux. Les législateurs de la Grèce l’auraient-ils introduit dans leur république s’ils l’avaient cru tel ? Bien loin de là, ils le croyaient nécessaire à un peuple guerrier. Plutarque nous parle avec enthousiasme du bataillon des amants et des aimés ; eux seuls défendirent longtemps la liberté de la Grèce. Ce vice régna dans l’association des frères d’armes ; il la cimenta ; les plus grands hommes y furent enclins. L’Amérique entière, lorsqu’on la découvrit, se trouva peuplée de gens de ce goût. A la Louisiane, chez les Illinois, des Indiens, vêtus en femmes, se prostituaient comme des courtisanes. Les nègres de Benguelé entretiennent publiquement des hommes ; presque tous les sérails d’Alger ne sont plus aujourd’hui peuplés que de jeunes garçons. On ne se contentait pas de tolérer, on ordonnait à Thèbes l’amour des garçons ; le philosophe de Chéronée le prescrivit pour adoucir les mœurs des jeunes gens.
Nous savons à quel point il régna dans Rome : on y trouvait des lieux publics, où de jeunes garçons se prostituaient sous l’habit de filles et des jeunes filles sous celui de garçons. Martial, Catulle, Tibulle, Horace et Virgile écrivaient à des hommes comme à leurs maîtresses, et nous lisons enfin dans Plutarque que les femmes ne doivent avoir aucune part à l’amour des hommes. Les Amasiens de l’île de Crète enlevaient autrefois de jeunes garçons avec les plus singulières cérémonies.