Le web de Dominique Guebey – Les belles lettres

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   D o m i n i q u e   G u e b e y    J u n g l e      Les belles lettres

D.A.F. de Sade (1740-1814) Français, encore un effort… (suite)

Il en résultait que, se suffisant entre elles, leurs communications avec les hommes étaient moins fréquentes et qu’elles ne nuisaient point ainsi aux affaires de la république. Lucien nous apprend quel progrès fit cette licence, et ce n’est pas sans intérêt que nous la voyons dans Sapho.

 Il n’est, en un mot, aucune sorte de danger dans toutes ces manies : se portassent-elles même plus loin, allassent-elles jusqu’à caresser des monstres et des animaux, ainsi que nous l’apprend l’exemple de plusieurs peuples, il n’y aurait pas dans toutes ces fadaises le plus petit inconvénient, parce que la corruption des mœurs, souvent très utile dans un gouvernement, ne saurait y nuire sous aucun rapport, et nous devons attendre de nos législateurs assez de sagesse, assez de prudence, pour être bien sûrs qu’aucune loi n’émanera d’eux pour la répression de ces misères qui, tenant absolument à l’organisation, ne sauraient jamais rendre plus coupable celui qui y est enclin que ne l’est l’individu que la nature créa contrefait.

 Il ne nous reste plus que le meurtre à examiner dans la seconde classe des délits de l’homme envers son semblable, et nous passerons ensuite à ses devoirs envers lui-même. De toutes les offenses que l’homme peut faire à son semblable, le meurtre est, sans contredit, la plus cruelle de toutes puisqu’il lui enlève le seul bien qu’il ait reçu de la nature, le seul dont la perte soit irréparable. Plusieurs questions néanmoins se présentent ici, abstraction faite du tort que le meurtre cause à celui qui en devient la victime.

  1. Cette action, eu égard aux seules lois de la nature, est-elle vraiment criminelle ?
  2. L’est-elle relativement aux lois de la politique ?
  3. Est-elle nuisible à la société ?
  4. Comment doit-elle être considérée dans un gouvernement républicain ?
  5. Enfin le meurtre doit-il être réprimé par le meurtre ?

 Nous allons examiner séparément chacune de ces questions : l’objet est assez essentiel pour qu’on nous permette de nous y arrêter ; on trouvera peut-être nos idées un peu fortes : qu’est-ce que cela fait ? N’avons-nous pas acquis le droit de tout dire ? Développons aux hommes de grandes vérités : ils les attendent de nous ; il est temps que l’erreur disparaisse, il faut que son bandeau tombe à côté de celui des rois. Le meurtre est-il un crime aux yeux de la nature ? Telle est la première question posée.

 Nous allons sans doute humilier ici l’orgueil de l’homme, en le rabaissant au rang de toutes les autres productions de la nature, mais le philosophe ne caresse point les petites vanités humaines ; toujours ardent à poursuivre la vérité, il la démêle sous les sots préjugés de l’amour-propre, l’atteint, la développe et la montre hardiment à la terre étonnée.