D.A.F. de Sade (1740-1814) La Philosophie dans le Boudoir (suite - Troisieme dialogue)
D : Les détails libertins des passions de l’homme sont peu susceptibles, madame, de motifs d’instruction pour une jeune fille qui, comme Eugénie surtout, n’est pas destinée à faire le métier de femme publique ; elle se mariera et, dans cette hypothèse, il y a à parier dix contre un que son mari n’aura point ces goûts-là; si cela était cependant, la conduite est facile : beaucoup de douceur et de complaisance avec lui ; d’autre part, beaucoup de fausseté et de dédommagement en secret : ce peu de mots renferme tout. Si votre Eugénie pourtant désire quelques analyses des goûts de l’homme dans l’acte du libertinage, pour les examiner plus sommairement nous les réduirons à trois : la sodomie, les fantaisies sacrilèges et les goûts cruels. La première passion est universelle aujourd’hui ; nous allons joindre quelques réflexions à ce que nous en avons déjà dit. On la divise en deux classes, l’active et la passive : l’homme qui encule, soit un garçon, soit une femme, commet la sodomie active ; il est sodomite passif quand il se fait foutre. On a souvent mis en question laquelle de ces deux façons de commettre la sodomie était la plus voluptueuse : c’est assurément la passive, puisqu’on jouit à la fois de la sensation du devant et de celle du derrière ; il est si doux de changer de sexe, si délicieux de contrefaire la putain, de se livrer à un homme qui nous traite comme une femme, d’appeler cet homme son amant, de s’avouer sa maîtresse ! Ah ! Mes amies, quelle volupté ! Mais, Eugénie, bornons-nous ici à quelques conseils de détail, uniquement relatifs aux femmes qui, se métamorphosant en hommes, veulent jouir à notre exemple de ce plaisir délicieux. Je viens de vous familiariser avec ces attaques, Eugénie, et j’en ai assez vu pour être persuadé que vous ferez un jour bien des progrès dans cette carrière. Je vous exhorte à la parcourir comme une des plus délicieuses de l’île de Cythère, parfaitement sûr que vous accomplirez ce conseil. Je vais me borner à deux ou trois avis essentiels à toute personne décidée à ne plus connaître que ce genre de plaisirs, ou ceux qui leur sont analogues. Observez d’abord de vous faire toujours branler le clitoris quand on vous sodomise : rien ne se marie comme ces deux plaisirs ; évitez le bidet ou le frottement de linge, quand vous venez d’être foutue de cette manière : il est bon que la brèche soit toujours ouverte ; il en résulte des désirs, des titillations qu’éteignent aussitôt les soins de propreté ; on n’a pas idée du point auquel les sensations se prolongent. Ainsi, quand vous serez dans le train de vous amuser de cette manière, Eugénie, évitez les acides : ils enflamment les hémorroides et rendent alors les introductions douloureuses ; opposez-vous à ce que plusieurs hommes vous déchargent de suite dans le cul : ce mélange de sperme, quoique voluptueux pour l’imagination, est souvent dangereux pour la santé ; rejetez toujours au-dehors ces différentes émissions à mesure qu’elles se font.