Le web de Dominique Guebey – Les belles lettres

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D.A.F. de Sade (1740-1814) La Philosophie dans le Boudoir (suite - Troisieme dialogue)

Profaner les reliques, les images de saints, l’hostie, le crucifix, tout cela ne doit être, aux yeux du philosophe, que ce que serait la dégradation d’une statue paienne. Une fois qu’on a voué ces exécrables babioles au mépris, il faut les y laisser, sans s’en occuper davantage ; il n’est bon de conserver de tout cela que le blasphème, non qu’il ait plus de réalité, car dès l’instant où il n’y a plus de Dieu, à quoi sert-il d’insulter son nom? Mais c’est qu’il est essentiel de prononcer des mots forts ou sales, dans l’ivresse du plaisir, et que ceux du blasphème servent bien l’imagination. Il n’y faut rien épargner ; il faut orner ces mots du plus grand luxe d’expressions ; il faut qu’ils scandalisent le plus possible ; car il est très doux de scandaliser : il existe là un petit triomphe pour l’orgueil qui n’est nullement à dédaigner ; je vous l’avoue, mesdames, c’est une de mes voluptés secrètes : il est peu de plaisirs moraux plus actifs sur mon imagination. Essayez-le, Eugénie, et vous verrez ce qu’il en résulte. Etalez surtout une prodigieuse impiété, lorsque vous vous trouvez avec des personnes de votre âge qui végètent encore dans les ténèbres de la superstition ; affichez la débauche et le libertinage ; affectez de vous mettre en fille, de leur laisser voir votre gorge ; si vous allez avec elles dans les lieux secrets, troussez-vous avec indécence, laissez-leur voir avec affectation les plus secrètes parties de votre corps ; exigez la même chose d’elles ; séduisez-les, sermonnez-les, faites-leur voir le ridicule de leurs préjugés ; mettez-les ce qui s’appelle à mal; jurez comme un homme avec elles ; si elles sont plus jeunes que vous, prenez-les de force, amusez-vous-en et corrompez-les, soit par des exemples, soit par des conseils, soit par tout ce que vous pourrez croire, en un mot, de plus capable de les pervertir ; soyez de même extrêmement libre avec les hommes, affichez avec eux l’irréligion et l’impudence : loin de vous effrayer des libertés qu’ils prendront, accordez-leur mystérieusement tout ce qui peut les amuser sans vous compromettre ; laissez-vous manier par eux, branlez-les, faites-vous branler ; allez même jusqu’à leur prêter le cul; mais, puisque l’honneur chimérique des femmes tient à leurs prémices antérieures, rendez-vous plus difficile sur cela, une fois mariée, prenez des laquais, point d’amant, ou payez quelques gens sûrs : de ce moment tout est à couvert ; plus d’atteinte à votre réputation, et sans qu’on ait jamais pu vous suspecter, vous avez trouvé l’art de faire tout ce qui vous a plu. Poursuivons :

Les plaisirs de la cruauté sont les troisièmes que nous nous sommes promis d’analyser. Ces sortes de plaisirs sont aujourd’hui très communs parmi les hommes et voici l’argument dont ils se servent pour les légitimer. Nous voulons être émus, disent-ils, c’est le but de tout homme qui se livre à la volupté, et nous voulons l’être par les moyens les plus actifs.