Le web de Dominique Guebey – Les belles lettres

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D.A.F. de Sade (1740-1814) La Philosophie dans le Boudoir (suite - Septieme dialogue)

Eu : Venez, belle maman, venez, que je vous serve de mari. Il est un peu plus gros que celui de votre époux, n’est-ce pas, ma chère ? N’importe, il entrera… Ah ! Tu cries, ma mère, tu cries, quand ta fille te fout !… Et toi, Dolmancé, tu m’encules !… Me voilà donc à la fois incestueuse, adultère, sodomite, et tout cela pour une fille qui n’est dépucelée que d’aujourd’hui !… Que de progrès, mes amis !… avec quelle rapidité je parcours la route épineuse du vice !… Oh ! Je suis une fille perdue !… Je crois que tu décharges, ma douce mère ?… Dolmancé, vois ses yeux !… n’est-il pas certain qu’elle décharge ?… Ah, garce ! Je vais t’apprendre à être libertine !… Tiens, gueuse ! Tiens !… (Elle lui presse et flétrit la gorge.) Ah ! Fous, Dolmancé… fous, mon doux ami, je me meurs !… (Eugénie donne, en déchargeant, dix ou douze coups de poing sur le sein et dans les flancs de sa mère.)

Mist, perdant connaissance : Ayez pitié de moi, je vous en conjure… Je me trouve mal… je m’évanouis… (Mme de Saint-Ange veut la secourir ; Dolmancé s’y oppose.)

D : Eh ! Non, non, laissez-la dans cette syncope : il n’y a rien de si lubrique à voir qu’une femme évanouie ; nous la fouetterons pour la rendre à la lumière… Eugénie, venez vous étendre sur le corps de la victime… C’est ici où je vais reconnaître si vous êtes ferme. Chevalier, foutez-la sur le sein de sa mère en défaillance, et qu’elle nous branle Augustin et moi, de chacune de ses mains. Vous, Saint-Ange, branlez-la pendant qu’on la fout.

Ch : En vérité, Dolmancé, ce que vous nous faites faire est horrible ; c’est outrager à la fois la nature, le ciel et les plus saintes lois de l’humanité.

D : Rien ne me divertit comme les solides élans de la vertu du chevalier. Où diable voit-il dans tout ce que nous faisons le moindre outrage à la nature, au ciel et à l’humanité ? Mon ami, c’est de la nature que les roués tiennent les principes qu’ils mettent en action. je t’ai déjà dit mille fois que la nature, qui, pour le parfait maintien des lois de son équilibre, a tantôt besoin de vices et tantôt besoin de vertus, nous inspire tour à tour le mouvement qui lui est nécessaire ; nous ne faisons donc aucune espèce de mal en nous livrant à ces mouvements, de telle sorte que l’on puisse les supposer. A l’égard du ciel, mon cher chevalier, cesse donc, je te prie, d’en craindre les effets : un seul moteur agit dans l’univers, et ce moteur, c’est la nature. Les miracles, ou plutôt les effets physiques de cette mère du genre humain, différemment interprétés par les hommes, ont été déifiés par eux sous mille formes plus extraordinaires les unes que les autres ; des fourbes ou des intrigants, abusant de la crédulité de leurs semblables, ont propagé leurs ridicules rêveries : et voilà ce que le chevalier appelle le ciel, voilà ce qu’il craint d’outrager !…