Première version MC et son levier de mise au point caractéristique
Objectif très grand angle, paru en 1999 chez Cosina-Voigtländer,
avec une monture vissante LTM (dite aussi M39). Cette version originelle (modèle MC)
était vendue avec le viseur spécifique.
Vint ensuite en 2007 la version P à baïonnette Leica M (dite VM chez ce fabricant).
Bien entendu, une fois muni d’une bague d’adaptation,
le MC/LTM s’utilise sans souci, non seulement sur un appareil M,
mais encore (avec une seconde bague) sur un Sony A7 ultra-moderne (ou ses concurrents),
ou tout appareil de type hybride au format APS-C (Fujifilm) ou
micro 4/3 (Olympus, Panasonic…), tous ceux-là
étant aptes à utiliser du M.
Une série de cet objectif a également été produite
en monture S pour Nikon classique à télémètre :
c’est le modèle
SC1.
Si vous êtes adepte de la monture Contax, il vous le faut impérativement !
On trouvera par ailleurs un commentaire sur l’intérêt du grand-angle [http://www.dg77.net/photo/leicaM/elm24.htm#intga].
Le 21 mm en particulier offre un large angle de vision, avec l’avantage
d’une profondeur de champ considérable, qui facilite l’obtention
de la netteté sur toute l’image.
Le bloc optique de ce 21 mm est resté inchangé depuis le début.
Il faut dire qu’il donne entière satisfaction en argentique.
L’ouverture peu poussée (f/4) facilite l’optimisation des performances.
Avec un appareil numérique, quelques problèmes apparaissent2
mais des objectifs plus onéreux ne sont pas indemnes
de difficultés comparables, difficiles à éviter
sur un grand-angle ; au demeurant il y a des moyens de corriger
ou atténuer les défauts constatés.
Cette petite optique de relativement modeste apparence
(quoique de sérieuse manufacture tout-métal)
fait de l’ombre à plusieurs autres 21 mm au prestige parfois
décati. À côté de notre Color-Skopar récemment
calculé, muni de verres modernes, comment justifier l’acquisition d’un
Super Angulon usagé, proposé
au moins deux fois plus cher ? Les Elmarit (Leica) ou Biogon (Zeiss)
plus récents ont au moins l’avantage d’être
plus lumineux, mais il restera à savoir jusqu’où
on veut aller financièrement, pour une focale qui risque
de ne pas être parmi les plus utilisées. De ce point de vue,
le Color-Skopar a de sérieux atouts à faire valoir.
Le succès des mirrorless alias hybrides,
appareils numériques à objectifs interchangeables
et monture à tirage court, a revigoré l’intérêt
pour ce type d’optique compacte. Il s’avère
que leur marché ne se limite pas à un public
de photographes un tantinet traditionnalistes supposés cramponnés à leur
vénérable appareil à pellicule. Avec leur mise au point
manuelle et le diaphragme également contrôlé
sans intermédiaire électronique, des objectifs très anciens
s’adaptent à peu de frais sur des 24x36 dernier cri.
Cette pratique est bien connue ; voir, par exemple, les adaptations
d’anciennes optiques cinéma 16mm sur les Micro 4/33.
Caractéristiques
Cet objectif charme par sa petite taille : 25,4 mm de long selon
le fabricant (je mesure 32 mm en comptant le pseudo pare soleil).
Diamètre : 55 mm (filtres au calibre classique de 39 mm).
Le poids annoncé est de 136 grammes sans les bouchons...
L’angle de champ diagonal est de 91° à l’infini.
Le diaphragme a dix lames : pas mal pour un si petit iris.
La distance de mise au point minimum est de 50 cm, ce qui est rare sur
les appareils télémétriques ; on sait que le
télémètre des Leica M ne descend pas en-dessous de 70 cm.
Cet objectif n’étant pas destiné à des appareils reflex,
les concepteurs n’ont pas eu à tenir compte de la contrainte
du miroir situé devant la surface sensible. La formule optique,
huit éléments en six groupes, est un dérivé des Super-Angulon et Biogon à
schéma quasi-symétrique. Cette conception autorise une correction
supérieure de l’astigmatisme (ce qui est synonyme de netteté)
et de la distorsion (ce qui explique qu’elle soit toujours en faveur
pour les optiques de cartographie et reconnaissance aérienne).
Un 21 mm sans distorsion est le premier choix si on veut pouvoir
réaliser un tant soit peu de photos d’architecture.
La partie arrière a une structure commune à pas mal d’autres
grands angulaires, reconnaissable à son doublet :
Elmarit pre-asph et ASPH, Kobalux Avenon, tous 21mm ; autre exemple :
Minolta M-Rokkor 28/2.8.
Voir plus bas la section Concurrents et successeurs,
et la page de M. Marco Cavina
(www.marcocavina.com [http://www.marcocavina.com/articoli_fotografici/Soviet_and_wide_lenses_on_Leica_M/00_p.htm] ).
En pratique
Avec un appareil télémétrique, le 21 mm
nécessite normalement un viseur annexe. À moins d’utiliser
un Bessa R4M / R4A ou, comme je le fais,
un Leica (M7) à viseur 0.58. La fenêtre
de visée (sauf port de lunettes) correspond alors au champ du 21.
C’est d’autant plus pratique que ce petit objectif
n’empiète pas ou très peu dans le cadre :
on atteint là un confort maximum d’utilisation.
Ce qui nous amène à évoquer la question du pare-soleil.
Sur mon C-S 21mm type MC, il se résume en fait à la bague porte-filtre :
la protection contre les lumières obliques sera très limitée
– c’est le lot de tous les objectifs grand angle. La page
Tamron 17mm f/3.5 SP Adaptall [http://www.dg77.net/photo/tamron/tamron17.htm] montre le
mieux que puisse être un pare-soleil pour 17 mm mais sur appareil reflex,
(où on vise à travers l’objectif). Pour le Color Skopar 21/4
il semble qu’ait existé un pare-soleil rectangulaire, ajouré pour
ne pas occulter la visée…
Un Leica IIIf, bon porte-objectif pour un 21 Color-Skopar « vissant ».
Sur un Leica M numérique, on se souviendra qu’on peut activer
une correction automatique des défauts de l’optique.
Pour ce faire, on adoptera les réglages d’un objectif
aux caractéristiques proches en désactivant
la détection automatique de l’objectif dans les menus
de paramétrage : Détection d’objectif > Manuel > Choisir 11134 (21/2.8).
Ce paramétrage permettra de corriger l’assombrissement dans les coins.
Exemples de photos faites avec un VC Color Skopar 21/4.0 MC
Noir et blanc à la Kodak TMax 400 TMY
Prise de vue dans une rue étroite.
f/8.0
L’alphabet braille :
f/11
Sans le buste du général Brosset (1898 - 1944), le premier plan
serait bien vide. C’est un des points cruciaux dans la composition d’une
image au grand-angle.
f/11
Grâce à la focale courte, cet immeuble intéressant a pu être photographié en entier.
Néanmoins la légère convergence vers le bas des lignes verticales
montre que l’appareil n’était pas rigoureusement horizontal.
f/8.0
La distorsion est limitée mais devient néanmoins perceptible
dans certains cas. Contrairement à la photo précédente
où la forme géométrique est centrale,
les lignes de l’immeuble de gauche sont en bordure extrême du cercle
image : la courbure des lignes droites commence à se fait davantage sentir.
Comme beaucoup d’objectifs de conception classique, le
Color Skopar 21/4.0 offre un contraste moyen mais une bonne définition.
Le fin grillage éloigné, peu visible au premier abord, a bien été reproduit,
ce qui n’empêche pas la vis du montant à droite, très proche,
d’être suffisamment détaillée. Les détails (“crops”)
représentent un douxième (linéaire) de l’image de départ.
Assis, le M7 tenu entre les genoux, mise au point à l’estime ; l’automatisme
a décidé du temps de pose. À main levée, les grands angulaires comme
ce 21 mm autorisent des expositions relativement longues : le huitième de seconde
est praticable, si les circonstances (ou la modeste ouverture du Color Skopar) l’imposent.
f/5.6
Avec un Leica IIIf de 1951, chargé à la Kodak Portra 400 (négatif couleur)
Leica M7, diapositive Fujichrome Provia 100
Scan : Nikon Coolscan V ED, logiciel Vuescan
DétailDétail
Concurrents (et successeurs)
Monture vissante
Leica 21mm Super-Angulon f/4.0 (1958-1963). Bloc optique fourni par Schneider.
Neuf éléments en quatre groupes.
Il figurait parmi les objectifs du M3 apparu avec une nouvelle monture à baïonnette.
Au début, il était vendu (code SUMOM, 1462 exemplaires parait-il) avec une monture vissante sur laquelle
était installée une bague à baïonnette. Puis on eut le SUOOM non vissant.
C’est un bon objectif mais (comme beaucoup de grands-angles anciens)
l’arrière protubérant empêche la mesure TTL de la lumière.
Canon S : pas de 20-21 en monture à vis, mais
un intéressant 19 mm f/3.5 de 1964.
Chez Riken / Ricoh il a été produit
en 1999 une série limitée du 21/3.5 GR
(l’optique qui équipait l’appareil compact GR 21 de ~2000). Cet objectif
était distribué sous l’étiquette Avenon.
Il comportait neuf lentilles en six groupes. Un objectif de qualité sauf son
vignettage.
Kobalux (ou Avenon, tous productions de Y.K. Optical) a produit un Super Wide 21/2.8 en
deux séries entre 1995 et 2000. Contrairement au précédent,
il s’agit d’une formule retrofocus [http://www.dg77.net/photo/tech/fastga.htm#telinv].
Avec huit éléments en six groupes, cet objectif est réputé, mais rare.
Nous nous en voudrions de ne pas rappeler l’existence du Russar 20 mm f/5.6 de 1960
(six éléments en quatre groupes), type inventé en 1946 par Mikhail Mikhailovitch Rusinov,
d’où découlent tous les Biogon et Super Angulon subséquents.
Conception du 20/5.6 : en 1956 chez G.O.I. (Institut Optique d’État Vavilov
à St Petersbourg alias Leningrad) ; production chez
Krasnogorsky Zavod4.
Monture M
Leitz Super-Angulon f/3.4 (1963-1980).
Version améliorée du précédent (toujours signée Schneider).
Leica 21 mm Elmarit-M f/2.8 (1980-1997). Fabriqué par Leica-Canada.
Formule retrofocus, deux fois plus lumineuse, mais l’objet est plus encombrant.
Leica 21 mm f/2.8 Elmarit-M ASPH (1997-2011).
Remarquable en argentique.
Kobalux Super Wide 21/2.8 “M-series” (2002),
optique recalculée, différente des précédentes
à monture vissante. Diaphragme à 8 pales.
Leica 21 mm f/1.4 Summilux-M ASPH, paru en 2008.
Ultra-lumineux ; énorme et ruineux, distorsion sensible.
Leica 21 mm f/3.4 Super-Elmar ASPH ; depuis 2011.
Excellent qualité optique, enfin vraiment adapté aux capteurs numériques.
On remarquera qu’il a fallu limiter l’ouverture pour obtenir ce résultat.
Carl Zeiss Biogon T* 2,8/21 ZM, 9 él. / 7 gr.
Cet objectif de 2004 rivalise avec l’Elmarit ASPH précité,
mais sans aucune face asphérique et pour beaucoup moins cher.
Carl Zeiss C-Biogon T* 4,5/21 ZM (2005).
8 él. / 6 gr. Peu lumineux, peut-être le meilleur
en argentique ; mais l’arrière de cet objectif compact
est trop proche de la surface sensible, des problèmes de chromatisme
se constatent là encore avec un appareil numérique.
À côté du Color-Skopar décrit ici, il existe
depuis 2012 un Voigtländer 21 mm f/1.8 Ultron aspherical.
Une page web lui est consacrée ici-même [http://www.dg77.net/photo/VC/ultron21.htm]
Cet Ultron comporte treize éléments en onze groupes.
Étant de la catégorie ultra-lumineux, on lui pardonnera son gabarit massif.
Il est plus efficace sur appareil numérique que le Color-Skopar,
et de plus vient marcher sur les plates-bandes du Summilux ASPH de Leica déj cité.
Ce dernier est un peu plus lumineux (f/1.4) mais six fois plus cher.
COLOR-SKOPAR Vintage Line 21mm F3.5 Aspherical VM (2019) :
remplaçant prévu du C-S f/4 décrit ici ;
il utilise le même bloc optique que la version E pour appareils
Sony présenté à la Photokina
de septembre 2018. L’objectif comporte neuf lentilles (dont une face asphérique)
en huit groupes.
Nokton 21mm F1.4 Aspherical VM (2019). Treize éléments en
11 groupes, diaphragmes douze pales, 70x70mm, 480g.
La marche triomphale des appareils mirrorless a ouvert un
formidable marché à Cosina-Voigtländer, ce qui peut suffire
à expliquer la cadence accélérée d’apparition de
nouveaux modèles. Le Nokton 21/1.4 fut
offert pour les Sony avant d’apparaître en monture Leica M.
Notes
1.
La distinction SC/MC pour single coating et multi coating (traîtement simple ou multicouche) ne concerne pas le Color-Skopar mais les Voigtländer Nokton 35 et 40mm f/1.4, produits chacun en deux versions — tous objectifs en monture VM compatible Leica M. À quoi se sont ajoutés en 2020 les 50mm Nokton f/1.5 « Vintage Line ». Pour tous ces Nokton, la version SC est censée donner un rendu « à l’ancienne ».
2.
Défauts optiques de nature à être plus sensibles sur un objectif grand angle : vignettage i.e. assombrissement dans les angles ; franges colorées sur les fins détails (résultat de l’aberration chromatique).