Sans être un expert, on aura pu saisir de tout ce qui précède que
l’optimisation d’un objectif de focale fixe (prime lens)
n’est pas chose simple et oblige à des compromis.
Dès lors on peut se demander si le calcul d’une focale variable de bonne qualité
ne ressemble pas au problème de la quadrature du cercle. En tout cas, on ne sera pas
étonné que les zooms ne parviennent pas à des ouvertures aussi
grandes que les focales fixes.
Le principe du zoom est établi depuis longtemps : un système
afocal accompagné par un système destiné à la
focalisation, et la partie objectif elle-même. Le système de lentilles
afocal modifie le diamètre du faisceau lumineux sans
pour autant diriger les rayons vers un point donné. Ce dispositif fait ainsi varier
l’échelle de reproduction, comme si on modifiait la focale. On a alors un objectif à
focale variable.
Le principe est immédiatement compliqué par la nécessité
pratique de maintenir une mise au point constante quel que soit le grossissement :
c’est à cette condition qu’on aura un zoomstricto sensu. Pour les modèles
les plus élaborés, on cherche aussi à obtenir une ouverture qui
ne varie pas pendant qu’on modifie la focale.
Du fait de ces exigences, les zooms se caractérisent donc par
un nombre accru d’éléments, en divers groupes aux déplacements complexes.
D’où plusieurs conséquences :
En raison des nombreuses lentilles, le contraste baissera plus facilement
du fait des réflexions internes. Quelle que soit la qualité des traîtements
anti-reflets, l’inconvénient ne disparaît
jamais complètement. Suivez un jour à la télévision
une étape de course cycliste, et voyez ce que devient
l’image quand le caméraman juché sur sa moto filme
en direction du soleil…
Une réalisation mécanique hors-pair est impérative.
Avec les zooms bon marché offerts au public, il est inutile
de se torturer pour savoir si l’optique souffre d’un décentrement
quelconque : la réponse est forcément oui… Un zoom
sera plus exposé à voir apparaître du jeu avec le temps :
autant une optique fixe d’occasion donne rarement
lieu à une déconvenue, autant, avant l’achat,
un zoom de seconde main doit être
examiné de près et être testé en parallèle
avec un objectif de référence.
Evolution
Au départ, le concept du zoom intéressait suprêmement
les cinéastes, ce qui est naturel puisqu’ils produisent des images
animées : modifier l’angle de vue (en le resserrant ou en
l’élargissant) en cours de séquence est
un besoin qui va de soi. Quant aux photographes, la généralisation
des appareils SLR à visée reflex mono-objectif, avec lesquels
on voit exactement l’image cadrée, leur a donné un outil
parfaitement adapté à l’usage des zooms.
Il semble que le premier zoom utilisable apparut en 1937, sur une caméra
Siemens. En 1933 un brevet britannique (398307) décrivait déja un 28-100
de 11 éléments, conçu autour d’un Opic
– objectif décidément fertile en développements.
Mais (sans parler de la nécessité de traîtements
anti-reflets vraiment efficaces) il fallut les progrès des calculateurs électroniques
programmables (i.e. ordinateurs/computers) dans les
années 1950 pour que les zooms puissent se développer. On peut imaginer
que le calcul des derniers produits (comme le Zuiko 35-100 présenté
plus bas) aurait donné la migraine à Tronnier lui-même.
Pierre Angénieux lança en 1956 le premier zoom à compensation
mécanique qui permettait de maintenir rigoureusement le point
sur toute la gamme des focales.
Pour les usages courants, les zooms actuels donnent le plus souvent satisfaction.
Même des modèles présentant certaines faiblesses peuvent
être jugés intéressants en raisons de leurs avantages pratiques.
Les photographes de presse quotidienne, pour qui le but est de rapporter
coûte que coûte des photos, utilisaient il y a déjà
longtemps des zooms qui pouvaient atteindre des scores déplorables en tests
sur mires, mais satisfaisaient leurs besoins (fournir des images destinées
à être imprimées en format modeste avec une trame relativement
grossière). Puis ce sont les illustrations « pleine page »
de magazine qui devinrent possibles. Quant aux plus récents, les meilleurs
zooms sont considérés comme supérieurs aux focales fixes
(sous-entendu : focales fixes conçues il y a plus de trente ans).
Exemples historiques
Berthiot Pan-Cinor 12,5-36/2,8 (avec viseur annexe) de 1954
Roger Cuvillier, un centralien né en 1922, déposait en 1949 un brevet
concernant un objectif à focale variable et compensation optique. Le succès fut rapide.
Paillard Bolex ne tarda pas à équiper ses caméras de ce zoom fabriqué
à Dijon, rue Nicolas Berthiot.
Berthiot 8-40/1.9 Pan-Cinor reflex (1960)
Berthiot offrait naguère aux amateurs de ciné 8 mm ce zoom 5x à
viseur reflex ouvert à f/1,9. C’est un exemple de zoom à
compensation optique.
Schneider Kreuznach Variogon et Optivaron f/1,8
Variogon 1,8/7-56
En cinéma 8 mm, nombre d’amateurs ont connu (ou rêvé
sur…) les Variogon/VGN 10-35, 9-36, 8-40, 7-56, tous ouverts à 1:1.8.
On peut en voir le summum dans le Variogon 1,8/6-180 soit un range de 30 fois !
(angle de champ 60 à 2°). Il fut produit vers 1978 pour les caméras
Beaulieu.
Le schéma montre le prisme à miroir semi-transparent qui permet
la visée reflex. Ce dispositif prélève une proportion
non négligeable de la lumière, une raison supplémentaire
pour désirer une optique lumineuse ; ceci sans préjudice
de la faible sensibilité d’un film couleur comme la Kodachrome
40.
Angénieux 16-44 T1:1,3
Ce zoom très lumineux était destiné aux caméras
16 mm. T désigne la luminosité photométrique
ou réelle (T-stop), distincte de l’ouverture géométrique
(F-stop). Cette dernière devait être en fait de f/1,1.
A des range nettement plus élevés, noter le 10-120 mm
T-2,5 (1958) et 10-150 T-2,3.
Voigtländer Zoomar 2.8/36-82 mm (1959)
Non seulement le Dr Frank Back (1902-1982) conçut ce premier zoom pour appareil
photo, au demeurant très lumineux, mais encore il inventa le mot
zoom par la même occasion. Ce zoomar fut produit en monture
Bessamatic, Exakta et aussi 42 mm vissante. Le calcul électronique
avait été mis à contribution, ainsi que les verres aux
terres rares. 14 éléments en 11 groupes.
Cet Optimo appartient à la série assez ancienne Sphérique
de la firme française, ce qui ne l’empêche d’être toujours
disponible, à l’achat ou en location. Il est destiné au cinéma 35 mm,
ce qui explique (mais n’excuse pas complètement)
que ce genre d’outil vous est offert au prix d’une voiture moyenne.
Le cercle image mesure 28 mm de diamètre. Angle de champ : 65,8 à 15,6°, correspondant
approximativement à une plage de focale de 35 à 150 mm en photo
24x36. Le poids est de 5,5 kg.
Canon 8,5-25,5 mm f/1,0 (1975)
Rappelons ici le zoom f/1,0 qui équipait la caméra Super-8
310 XL de Canon présentée au début.
Angénieux 1:2,8/45-90 mm
Dès le début on eut donc, en photographie petit format,
des zooms ouverts à 1:2.8, mais depuis on n’a guère
fait mieux.
L’Angénieux 45-90/2,8 (15 éléments en 12 groupes)
pour Leicaflex est un grand classique
de ces premiers zooms lumineux. Lancé en 1968 –
on a signalé un prototype de 1962 avec monture Retina. C’était
la première fois que le fabricant de Wetzlar se risquait à
commercialiser un zoom.
Zeiss Vario-Sonnar 1:2.8/40-120 mm (1971-1973)
Destiné aux Contarex de Zeiss-Ikon. Le second zoom de Carl Zeiss,
après le 85-250/4.0 (1970-1973). Angle de champ 56-20°, m. à p.
mini. 2,5 m. Un millier d’exemplaires.
Nikkor 80-200 mm f/2,8 ED AI-s (1982-1988)
Ce télézoom donnait des images de haute qualité dès la pleine
ouverture et même à 200 mm – au point de faire de
l’ombre au Nikkor de 2.8/180, adulé par certains.
Les concepteurs avaient limité prudemment la distance
minimum de prise-de-vue à 2,5 m : ce n’est pas un zoom
à tout faire, mais ce qu’il fait, il le fait très
bien.
Lourd (près de 2 kg), il comportait 15 éléments
en 11 groupes et fut fabriqué en 1600 exemplaires.
Angénieux 35-70 f/2,5-3,3 (vers 1984)
Très lumineux à 35 mm, forte distorsion à cette
focale ; définition bonne et homogène, contraste modéré
devenant excellent en diaphragmant. Distance minimale 46 cm, excellente.
Ce zoom accompagnait le 70-210/3,5 et les télés 180 et 200 mm
(cf supra section « longues focales »).
Il précédait le 28-70 2,6-2,8 AF.
Cette gamme fut l’apothéose…
et le chant du cygne pour Angénieux sur le marché grand
public. Devenue Thales-Angénieux, la firme se « recentra »
sur les marchés de l’optronique, TV, optique médico-scientifique
et autres disciplines spatio-militaires. Il est vrai que la marge sur les ventes
d’articles tels que des épiscopes jour/nuit de véhicules
blindés d’infanterie est plus assurée que celle des
35-210/3,5-5,6 vendus en supermarchés.
Olympus Zuiko AUTO-Zoom 35-80mm f/2,8 ED (1987)
Un des meilleurs transtandards connus, sorti en même temps que
les boîtiers Olympus OM-3 Ti et OM-4 Ti, couronnement de la gamme. Cette optique
pouvait convertir au zoom le plus fervent utilisateur
de 50 mm. La plage de focale est sans excès, surtout côté
grand-angle (la priorité a visiblement été donnée à la qualité) mais correspond
aux applications les plus courantes.
16 éléments (dont 1 en verre ED et 5 à haut indice
de réfraction) en 14 groupes, m.a.p. mini 0,60 m. Champ 63-30°.
Exemples de l’ère numérique
Olympus Zuiko DIGITAL ED 35-100mm 1:2.0 (2006)
Conçu pour le format 4/3 (image d’environ 22 mm de diagonale),
l'Olympus 35-100/2,0 (angle de champ 34 à 12°) équivaut à
un 70-200 en 35 mm. L’ouverture
de f/2,0 est très intéressante ; elle est aussi indispensable
pour obtenir en 4/3 une profondeur de champ assez réduite (le but
est d’obtenir des fonds flous proches de ce qui est possible
en 24x36 à f/2,8).
Inconvénient : le résultat est
atteint avec un encombrement au moins égal aux zooms 24x36 équivalents
(1650 g sans collier de trépied, 96,5 x 213,5 mm).
21 éléments en 18 groupes.
La même remarque s’applique au transtandard 14-35/2,0
(915 g., diam. 86 mm, long. 123 mm – 18 éléments en 17 groupes).
Sigma 200-500 f/2,8 EX DG (2008)
Présenté à la PMA 2008. Une pièce de 15 kg 700
(13 groupes, 17 éléments), mettant au point à 1m50
(rapport de reproduction mini 1/4,2) idéal pour la photo de petits
animaux très venimeux ! Mensurations : 237x726 mm. Filtres
à insertion 77 mm, alimentation autonome de l’autofocus.
Sigma 18-35 f/1,8 DC HSM (2013)
Pour capteur au format APS-C, un intéressant zoom
standard (angle de champ diagonal 76,5° - 44,2°).
L’ouverture de f/1,8 donne une profondeur de champ correspondant
approximativement à ce que donne f/2,5 en 24x36. 17 éléments
(dont 4 asphériques, et 5 en verres spéciaux) en 12 groupes.
Canon RF 28-70mm f/2 L USM (fin 2018)
F1:2.0 est une ouverture inédite pour un zoom utilisable en 24x36mm.
Destiné aux nouveaux mirorless Canon R, c’est un
objectif cher, lourd et volumineux (filtres de 95 mm !). Il utilise 19 lentilles
dont 4 asphériques, en 13 groupes. Distance minimale de mise au point : 39 cm,
long. 139,8 mm, diam. 103,8 mm, poids 1.430 g.
Le fabricant promet une haute qualité. Ce ne sera pas malheureux car ce zoom
pèse plus lourd et coûte plus cher que les quelques optiques fixes qu’il
est censé remplacer.
Tamron 35-150 mm F/2-2.8 Di III VXD (type A058)
En août 2021, Tamron offrit à son tour l’ouverture f/2,0 sur un zoom couvrant le 24x36mm.
Certes le diaphragme glisse jusqu’à f/2,8 quand on augmente la focale.
Mais il s’agit d’un 35-150, soit un range x4,3, à
comparer au x2,5 du 28-70 Canon précité. Avec f/2 constant,
ce zoom serait devenu positivement intransportable. Celui-ci mesure déjà 89x158mm pour 1,165kg.
Signe des temps, il est directement paramétrable via une interface
qui permet de personnaliser son maniement. La formule optique comprend
21 lentilles en 15 groupes. Ce zoom est destiné, jusqu’à nouvel
ordre, aux boîtiers Sony. On est en droit de penser que cet outil servira
en d’autre circonstances que pour « de magnifiques photos de lever et de coucher de soleil »
comme indiqué dans le prospectus du fabricant.